09 juillet 2013

Une Morel voyageuse


Comme j’ai pris mes aises, et que comme d’habitude voilà quelques mois que je n’ai pas fait acte de présence dans les parages, je ne vais pas vous balancer la ritournelle habituelle. Autant le dire de suite, je ne sais pas quand je repasserai. Je peux juste promettre, juré, craché, que je n’ai pas autant de temps que je le voudrais. Vous me direz que j’aurais pu placer quelques petites annonces, ou reprendre quelques articles de presse – mais je réserve ça à mon forum ( je vous ai dit que j’ai un forum ?). Mais bon, il est temps de prendre la plume, puisque j’avais promis à Pierre Morel une petite histoire.

Tout a commencé un beau jour, un américain me dit qu’il est intéressé par une pipe signée Morel. Il voudrait bien l’acheter. Mais il se demande si je prends Paypal, de combien sont les frais d’envoi, et l’âge du capitaine. Je lui réponds que c’est comme le Port-Salut, écrit dessus, mais je lui donne les renseignements demandés. Quelques temps se passent, et j’en profite pour signaler à Pierre qu’une de ses pipes va traverser l’Atlantique. Pierre me répond, désabusé, que les américains ne s’intéressent pas à ces pipes. Je reste confiant, et je me dis que Pierre va me demander, d’une voix émue, « mais, comment as-tu fait, mon bon  Guillaume ? ». Je peaufine ma réponse, sobre, mais néanmoins balancée. J’attends. De pied ferme.


Facebook est une chose terrible. On voit tout. Ce monsieur américain, qui m’avait posé tant de questions, est très occupé. Il est en vacances. En tout cas au bord d’une piscine. Il y a un cocktail devant lui. Avec une paille qui dépasse. Son sein gauche dépasse aussi, et repose sur le bord de la piscine. Le monsieur ne fait pas pitié. Mais je n’ai aucune nouvelle. Et comme je le vois qui s’intéresse à une autre pipe exhibée sur Facebook, et qu’il reprend les mêmes questions, je me permets de signaler qu’il est inutile de s’affoler, que questions ne vaut pas achat. Le monsieur s’excuse. Il a eu plein de soucis, notamment les études de sa fille, et son inscription dans une université. Je repense à la photo et constate qu’il a pris la peine de se remettre de toutes ses émotions. Je romps toutes relations avec le baigneur.

Et là, arrive un autre monsieur américain. Lui, je le connais. Il a déjà acheté une pipe de Pierre. Il en est très satisfait. Tellement qu’il en a acquéri une autre. Et voilà qu’il se décide pour deux pipes, celle dont je parle, et une autre, une pipe de l’Est. Je lui envoie les deux pipes. Le colis arrive. 


Mais, quand le diable s’en mêle … ah, malgré les mesures clairement affichées, la pipe de l’Est est vraiment par trop petite. Puis-je la lui échanger – contre une autre pipe de Pierre Morel ? Ben oui, je peux. Ca me fait même plaisir. Le monsieur est très content. Ben oui, il a 3 Morel !

Mais voilà. Je ne m’adresse pas ici aux célibataires endurcis, qui fument ce qu’ils veulent quand ils le veulent, parce que c’est comme ça, que c’est déjà dur d’être seul dans la vie et que donc il faut se consoler … non, me comprendront ceux qui vivent en couple … toutes ces pipes … ça fait beaucoup, et de temps à autres, il faut montrer patte blanche … Modus vivendi

Le monsieur m’écrit donc de nouveau en me disant que, s’il aime vraiment ces pipes, il faut qu’il se débarrasse de l’une d’entre elles. Le choix n’est pas encore fait. Je réponds que oui, que je la proposerai en estate.

Bon, après beaucoup de réflexions, il se décide. C’est à moment que m’arrive une nouvelle curieuse. Comprenez-moi bien : c’est une très bonne nouvelle – et en même temps, si je n’en avais pas entendu parler, tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais il va falloir que je me remette à travailler. J’avais oublié en quoi ça consiste. Evitez. C’est très fatigant. Mais ça permet de se faire quelques petits plaisirs, et j’essaierai d’en parler ici. En attendant, moi qui depuis des mois m’use les yeux à admirer des pipes de Pierre Morel, qui doit les photographier, les soigner, les cajoler, les cacher dans mon armoire parce qu’il ne faut pas se laisser tenter … je vais pouvoir me faire un petit plaisir … Vous m’avez compris ? Pour preuve, une image prise à la va-vite, juste pour montrer comme elle a pris de belles couleurs.


Mais l’histoire ne se finit pas là. J’ai des amis qui jouent au théâtre, et pour leur décor, ils ont besoin d’un portrait de famille. Et pour en assurer l’aspect ancestral, ils veulent que le personnage pose la pipe au bec. Comme ce sont des gens intelligents, ils pensent à moi, et me demandent de leur apporter une pipe pour la photo. Il faut que ce soit soigné, parce que ce tableau ne fait pas que rester au mur – mais là, je ne peux en dire plus. J’apporte donc cette Morel après lui avoir donné un petit coup de carnauba. Il a fallu retoucher le résultat final – le tuyau trop luisant donnait une tache blanche.

Je pense que vous serez nombreux à reconnaître la personne en-dessous - eh oui, un tableau de famille, au théâtre, c'est ça :


Urbain Cancelier est connu pour avoir martyrisé Jamel Debouze dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Comme il a une puissance vocale assez exceptionnelle, il est également connu pour avoir fait sauter les tympans d’une douzaine de régisseurs de théâtres parisiens. Pendant les entractes, il dévore un gigot - mais il sait également faire des ourlets. C’est lui qui donne à son personnage ce côté coquin, voire primesautier, qui saute aux yeux si l’on sait bien regarder. Si si, rapprochez-vous …

En attendant, on ne m’empêchera pas de rêver quelque peu à cette pipe voyageuse qui, partie de Saint-Claude, a gagné Paris, a traversé deux fois l’Atlantique, pour être applaudie tous les soirs sur une salle parisienne.

Je devrais parler d’une autre pipe de Pierre, qui vient d’arriver à la maison. Je suis à chaque fois surpris. C’est une e-foot. Un pied d’éléphant. Je n’ai jamais vu d’éléphant aussi gracieux, si ce n’est dans les dessins animés de Walt Disney. Mais je ne veux pas la gâcher. Je la traite comme une jeune fille, avec beaucoup de douceur et d’attentions. Je ne l’ai pas encore sortie en ville, mais ça ne saurait tarder.