14 mai 2009

Approximations et Ergotages


Ceux qui me fréquentent depuis quelques temps ne seront pas surpris : mon ordinateur est en réparation. En attendant son retour au bercail, je bosse avec une vieille chose qui fait la rue Michel, mais pas plus. J'ai du coup perdu quelques fichiers, mais tout se retrouve un jour.

Comme ce blog où il est question pour une fois de pipe. Un blog qui se présente comme un blog "luxe", et qui parle de pipes, voilà qui est inhabituel, à encourager, et intéressant.
Hélas, trois fois zélas, erreurs, contre-vérités, s'y accumulent.

J'avais écrit un commentaire assez long - mais ce blog n'en voulait pas. J'ai donc contacté les animateurs dudit blog, en leur joignant copie de mes quelques petits reproches. Une approximation, ça va, plusieurs, ça fait beaucoup. Mais pas de réponse, pas de nouvelles, rien.

Bon, eh bien revenons-y, un peu pour voir. Cet article nous présente les pipes Davidoff comme étant des pipes de luxe. C'est vrai, encore faut-il comparer.

"Le vrai maître-artisan de la fabrication de pipe s'appelle un Maître Pipier."

Bon, ça on y est habitué. Voilà deux "maître" dans la même phrase. Certains "Maître-Pipiers" ont un avis parfois mitigé sur la question de qui est un Maître-Pipier ou n'en est pas un.

Mais comme je sais que Davidoff sous-traite la fabrication de ces pipes, ce qui est tout à fait son droit, je sais aussi que des pipiers qui ne sont pas "Maîtres" travaillent pour eux sans soucis. Et puis je suis toujours ennuyé de voir qu'un pipier qui fait une pipe "de luxe" doit obligatoirement être un Maître-Pipier. Comme on va encore me souffler dans les bronches, je précise : des Maîtres-Pipiers font de très belles pipes, il ne s'agit pas de ça. Mais j'ai l'impression que faire l'article sur le terme "Maître-Pipier" est la porte ouverte à quelques erreurs : si un Maître-Pipier présentait une pipe en oubliant de signaler qu'il est Maître-Pipier, ces gens-là la trouveraient-ils aussi belle ? Pas sur.

La preuve d'ailleurs un peu plus loin : "La fabrication d’une pipe Davidoff représente un processus qui n’est exécuté que par les meilleurs fabricants de pipes européens..." S'ils sont européens, ils ne sont pas tous Français, pas tous sanclaudiens, donc pas tous Maîtres-Pipiers.

Je pense d'ailleurs que les Maîtres-Pipiers auraient du, ou devraient, honorer de ce titre des pipiers étrangers. Cela serait un moyen de faire parler de Saint-Claude.

"Le bois de la bruyère arborescente méditerranéenne est une vraie rareté." Ah bon ?? Certaines grandes maisons pipières sortent 200 000 ou 250 000 pipes par an - chacune. Dites, ça n'est pas spécialement une preuve de rareté tout de même !

"Seul le meilleur bois de bruyère est utilisé pour la fabrication des pipes Davidoff. Il doit être stocké quelques années afin d’absorber le reste d’humidité existant."

Deux lignes plus loin, on, lit d'ailleurs : "Le Maître Pipier procède à environ quarante étapes dans la fabrication d’une pipe. Avant de commencer à la manufacture, il doit en premier lieu faire bouillir les ébauchons, ensuite les laisser refroidir entièrement et enfin les faire sécher."

Faudrait savoir... Ca absorbe l'humidité ou ça sèche ?

"Après le perçage a lieu soit le vernissage soit le sablage." Non, je pense que pour les Davidoff, il ne s'agit pas de vernis, mais de teintes. Et d'ailleurs on peut parfaitement avoir une pipe sablée et teintée. Ca n'est pas soit l'un, soit l'autre.

"les lignes régulières, droites ou verticales sont appelées les «Straight Grain». En revanche, les points ovales rappelant les yeux d’oiseaux sont appelés les «Bird’s Eye»." Pas forcément, il y a les straight grain, les flame grain. C'est une question d'orientation. En français, on dit " oeils- de- perdrix". pour "birdseye".

"Seuls des embouts en acrylique fabriqués à la main sont utilisés pour les pipes Davidoff. Contrairement au caoutchouc Para, ce matériau ne se décolore pas et n’absorbe pas l’humidité." Ben oui, c'est dommage d'ailleurs. Si ses embouts - je vais dire tuyaux, ne m'en veuillez pas - sont taillés à la main, ils peuvent être d'ailleurs agréables en bouche. Mais encore une fois, un tuyau en caoutchouc Para - je vais dire ébonite - n'est pas forcément un truc qui jaunit !

Bon, voilà un texte décevant, approximatif, qui est là pour faire de la réclame. Un peu comme les étiquettes qu'il y a maintenant au bas des bouteilles de vin, et qui vous offrent un petit résumé de ce que l'amateur pourra en dire s'il ne veut pas avoir l'air idiot à table.

C'est dommage, je pense que si un "blog luxe" voulait parler de beaux objets, il y aurait tout de même du choix.

Je me promène donc sur internet ces temps-ci, et je m'aperçois que les articles sur la pipe ne sont pas toujours mal fait. Un plagiat, une copie d'un autre article, peut être fait de belle façon. Bien sur, le plagieur va jouer sur le fait que les informations sont bien sur des redites. Et les informations sont à tout le monde.

Le gars qui est allé chercher les informations s'est tout de même donné un peu de mal. Il peut signer en toute quiétude. Etonnament, parfois, quand c'est lui qui est copié, il n'est plus du tout d'accord, mais c'est une autre histoire.

Voilà par exemple ce que l'on peut trouver sur le site Fumeurs de Pipe, à la page des plants de tabac :

Virginie (VA)

* Terroir : Virginie (USA) bien sûr, mais aussi Afrique (Malawi, Zimbabwe), Inde, etc.
* Traitement : séchage en granges fermées et chauffées (séchage à air chaud, ou flue cured). Certains tabacs sont en outre mûris par étuvage sous pression d'un "gâteau" (cake) de feuilles pour renforcer la douceur naturelle des feuilles.
* Apparence : feuilles de 20 à 50 cm de long. aspect huileux, couleurs variables du jaune citron au brun, en passant par le rouge. Les tabacs mûris sont d'un brun d'autant plus foncé que leur teneur en sucre est élevée.
* Caractéristiques : tabac doux, à forte teneur en sucres (env.22%) et en huiles essentielles, moyenne en nicotine (1,9%). saveur douce et parfumée, fruitée, spécialement pour les tabacs mûris. bonne combustibilité.
* Emploi : seul, en flakes, ou en tant que composant dans les mélanges aromatiques et les mélanges anglais.

Et voilà ce que je trouve :

-Le Virginia
Ce tabac prend son origine en Virginie, mais est aussi cultivé dans d'autres états des USA, en Inde et en Afrique, notamment. Ses feuilles sont en général d'une taille allant de 20 à 50cm, et sa couleur peut varier du brun au jaune, voire rouge orangé. On le traite généralement par séchage dans des chambres spéciales chauffées. Son goût est souvent acidulé, voire un peu piquant quand il est jeune. Il entre dans la composition des tabacs aromatisés, des tabacs anglais et peut également être fumé seul.

Et voilà, c'est moins précis, mais ça n'est pas faux. On n'écrit pas "granges", mais "chambres spéciales". (je serais curieux de voir la tête du cultivateur à qui on irait dire : elles sont chouettes, vos chambres spéciales !) On n'écrit pas "du jaune citron au brun, en passant par le rouge", mais "du brun au jaune, voire rouge orangé". On n'écrit pas "seul, en flakes, ou en tant que composant dans les mélanges aromatiques et les mélanges anglais." mais "Il entre dans la composition des tabacs aromatisés, des tabacs anglais et peut également être fumé seul."

Eh bien mine de rien, c'est du travail, tout ça. C'est respectable.

Moi-même, je m'attaque à un roman, qui se déroulera à l'époque de Louis XIII, avec des mousquetaires... Je sens que ça pourrait être pas mal. Je pense les appeler Barbagnan, Pathos, Borlos, et Tatamis. (prononcez les S). Barbagnan pourrait arriver de sa province sur un cheval, non pas orange, je mettrais jaune-orangé. Il y aurait une méchante, la comtesse d'Hiver. Leur cri de guerre ne serait pas "Un pour tous, tous pour un", mais, plus moderne : "Tous ensemble, tous ensemble, tous ensemble".

J'aurais donc fait un gros travail de retape, et si l'on me félicitait, je pourrais dire modestement, rosissant légèrement : oh vous savez, tout a déjà été écrit, je n'ai rien fait de nouveau.

D'autre part, j'oubliais que Peintre m'a taggué dernièrement. Enfin dernièrement, voilà tout de même un petit moment ! Mais le temps passe, passe, et je ne le vois pas passer ! Vous le voyez-vous ? Vous avez de la chance !

Donc, Peintre m'envoie cette question :

Que feriez vous avec 500 euros s'il ne vous restait que 500 secondes à vivre ?

Eh bien, Peintre, c'est mal me connaître. Et ne pas connaître mon banquier non plus. Il me faut beaucoup moins de 500 secondes pour dépenser 500 euros. Ca ne m'est absolument pas difficile. J'ai un don pour ça. Oui, c'est un don. Certains ont la beauté, d'autres l'intelligence... moi je sais claquer 500 euros, et même 5 000, en un laps de temps qui laisse tout le monde bouche bée.

Et puis, où me trouverais-je, quand arriveraient ces 500 euros ? Dans la rue ? J'ai un clochard à côté de chez moi, rien que pour voir sa tête... Et si je suis chez moi ? Coincé ? Ouvrir ma fenêtre et hurler "Il y a 500 euros à ramasser pour celui qui viendra me tirer de là" ?

Ah si, je sais : un exercice idiot mais pas si facile que ça consiste à tenir un billet en équilibre sur son nez. Je ne l'ai jamais fait avec un billet de 500 euros.

Et puis, finalement, les réponses que je te donne, comme ça... Je crois qu'il faudrait vraiment essayer pour voir. Envoie-moi les 500 euros, je t'en dirai plus.


Post-Scriptum : l'illustration en haut n'a rien à voir avec ce billet. C'est mis là pour faire joli, c'est tout.