18 janvier 2009

Un bourre-pipe de Martin Romjin

Compte tenu du fait qu'il n'est pas dans mes habitudes d'exposer mes malheurs sur la place publique, certains s'imaginent que j'ai une vie facile. Je crois qu'il est temps de lever une petite partie du voile pudique que j'ai dressé jusque-là pour protéger ma vie privée. Mais pourquoi ce voile, me direz-vous ?
D'abord pour faire plaisir à ceux qui m'aiment bien. Il y en a. Et puis aussi pour agacer ceux qui ne m'aiment pas. Il y en a aussi.

Tous les matins à l'aube, je suis obligé de sortir de mon lit, vers onze heures. Si vous tenez à m'avoir au téléphone, merci de ne pas appeler avant. Si vous tenez absolument à me parler, un appel avant midi est déconseillé.
Mon premier geste consiste à nourrir le chat, qui réclame depuis un bon moment, en utilisant tous les stratagèmes possibles. Ces derniers temps, le mien fait tomber les livres qui encombrent les bibliothèques à côté de mon lit. Une fois parvenu à ses fins, il se dirige vers la cuisine. Je vide le reste de saumon de la veille, et je lui refile une lichette de truite.
Après, le chat fait sa toilette, et me rejoint sur le bureau. Il sent le poisson.

Ma secrétaire arrive enfin, me tend le courrier, et me rappelle mes rendez-vous importants du jour. Ca se passe toujours à peu près de la même façon :

Elle - Il y a les factures en retard ...
Moi - Parlons d'autres choses
Elle - Il y a encore beaucoup de courriers de gens qui réclament un nouveau billet sur votre blog.
Moi - Pfuuu ! Pas le temps.
Elle - Steven Spielberg s'étonne que vous ne le rappeliez pas, il demande si vous êtes fâché
Moi - C'est vrai, ce bon vieux Steve... quand j'aurai deux minutes... Bon, c'est tout ?
Elle - Oui
Moi - Très bien, laissez tout ça, je signerai plus tard, et n'oubliez pas de sortir le chat, c'est l'heure de son popot
Elle - Tu viens Minou ?
Le chat - Miaou

Ouf ! Voilà déjà une bonne matinée trépidante de passée. Il va falloir penser à l'apéro. Bon, c'est vrai qu'il va tout de même falloir écrire un truc pour le blog. Le dernier message date du 30 décembre... ça commence à faire long.

Le seul souci est que cela réclame un brin de tranquilité. Et ça n'est pas facile. Finalement, le seul moment où je peux faire ce que je veux, c'est la nuit. A partir de deux heures du matin, les enquiquineurs se reposent - et me reposent.

Donc allons-y, lançons nous.

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais après les fêtes, il y a toujours une période très calme. On s'est souhaité un joyeux Noël. Puis on s'est souhaité une bonne année. Voilà. C'est fait. Après on ne sait plus quoi dire. Un peu comme si on avait encore la gueule de bois.

Voilà pourquoi, pour ce premier billet de l'année 2009, je vais vous sortir du lourd (ça changera pas, penseront certains).

Je veux dire du vrai lourd. Pas de pipes légère aujourd'hui. Pas de remarque sur la finesse du bec. Rien sur les lignes aériennes.

Voilà un bourre-pipe de Martin Romjin. Le socle est en granit, et le bourre-pipe est en marbre. Je vous avais prévenu.

Je m'étais rendu coupable, il y a quelques temps, d'un article pour le site où j'évoquais les divers bourre-pipe mis à la disposition des fumeurs de pipe. Et voilà que certains modèles, en marbre, ne m'avait justement pas laissé... de marbre ! *

Il y avait notamment un modèle en marbre clair, ovale, avec deux cavités : l'une qui fait cendrier, l'autre pour y ranger le bourre-pipe assorti verticalement. C'est un superbe objet, et malheureusement il n'est pas à vendre. Le marbre poli me rappelle toujours de bons souvenirs, puisque mon grand-père, pour me distraire, s'amusait à polir des morceaux de marbre rose des pyrénées.

Voilà pourquoi ce bourre-pipe me faisait très envie. Je me suis rabattu sur ce modèle, qui siège à présent sur mon bureau. L'objet est beau,il remplit particulièrement bien son office. Et puis je dois souligner, encore une fois, la gentillesse de ces vendeurs étrangers.

Je dis gentillesse, parce qu'outre le fait qu'ils sont toujours prêts à faire plaisir, ils comprennent mon anglais. Et ça n'est pas donné à tout le monde. Demandez à ceux qui s'expriment parfaitement dans cette langue. Ou à ceux dont c'est la langue maternelle. Et bien j'ai écrit à des danois, des allemands, des italiens, des japonais, en anglais, eux m'ont toujours compris. C'est un grand mystère.

On me dit qu'aux USA, il y a maintenant trois anglais, trois langues américaines : l'anglais des américains blancs, l'anglais des américains noirs, et l'anglais des américains mexicains. Il parait qu'ils ont même parfois du mal à se comprendre entre eux.

Et bien, Martin Romjin, qui est hollandais, m'a parfaitement compris. Et j'ai tout de suite saisi ce qu'il voulait me dire. Comme quoi, quand on est sur la même longueur d'onde...

Je vous recommande d'aller jeter un œil sur son site, en cliquant sur le titre de ce billet. Vous verrez, si vous vous laissez tenter, que je n'ai pas menti.

Par ailleurs, j'entends souvent cette question : Pourquoi fumer la pipe ? Bien sur, le plus simple serait de répondre : Pourquoi pas ? ou Ca ne vous regarde pas, c'est personnel.

Mais enfin, il me semble que les raisons sont aussi multiples et diverses que les fumeurs. Voici donc une petite liste. Je ne pense pas qu'elle soit complète, bien sur.

On fume la pipe parce qu'avec une pipe on n'est jamais seul. On fume la pipe parce que c'est plus beau. On fume la pipe parce que c'est inhabituel. Parce que c'est mal vu de fumer. Parce que ça permet d'oublier les amis qui ne le sont plus. Parce que ça permet de penser à ceux qui ne sont plus. On fume la pipe pour sentir le bois sous les doigts. On fume la pipe pour avoir quelque chose à mordre. On fume la pipe parce que certains ne comprennent pas qu'on le fasse. On fume la pipe parce que certains trouvent que ça sent bon. On fume la pipe parce que certains trouvent que ça pue. On fume la pipe parce qu'on a été impressionné par un fumeur de pipe. Parce que ça réchauffe quand il fait froid. Parce que ça nourrit quand on a faim. Parce que c'est parfait pour écouter de la musique. Parce qu'il n'y a rien de mieux avec un bon livre. On fume la pipe parce que c'est un signe de reconnaissance. On fume la pipe parce qu'on a eu peut-être un ancêtre grognard de Napoléon. Parce qu'on aurait voulu être marin. On fume la pipe parce qu'on est maniaque. On fume la pipe pour toujours avoir quelque chose dans sa poche. Parce que la vie n'est pas toujours drôle. On fume la pipe parce qu'on se sent fort. Ou par mélancolie. Parce que c'est mystérieux. Parce que certains tabacs sentent la terre : on s'habitue. Parce qu'on sent de la chaleur dans sa main. Parce qu'on peut la poser, le temps de boire. Parce que ça épate les enfants. Parce que c'est une affaire sérieuse. Parce qu'on peut le faire sans y penser. Parce que la route est longue. Parce qu'on voudrait être un homme, et qu'on est resté un petit garçon. Parce qu'on a eu de mauvaises lectures. Parce qu'on ne rit pas souvent. Parce qu'on croit que ça rend intelligent. Parce qu'on croit que les assassins ne fument pas la pipe. Parce qu'on a l'impression d'avoir un volcan entre les mains. Parce qu'on croit maîtriser le feu. Parce qu'on ne sait plus prier, et que la fumée monte au ciel. Parce qu'il fait nuit. Parce que les gens regardent votre pipe, et qu'on est timide. Parce que ça fait un sujet de conversation.

Et puis mon chat n'aime pas la cigarette


*Eh oui, à deux heures du matin, on est tranquille, mais fatigué aussi