17 avril 2009

Tati censuré à la Ratp


Finalement, ça fait beaucoup causer : l'affiche de l'exposition sur Jacques Tati a été censurée par la Ratp : elle a exigé que la célèbre billard soit cachée par un dessin représentant plus ou moins un moulin à vent.

J'avais écrit dans un autre billet : "Tartuffe pas mort, Cachez ce sein que je ne saurais voir". La pudeur a changé, c'est l'époque qui veut ça. Des seins on en voit partout. Des jolis, des petits, des gros, des en poire, des outres, des oranges, avec au bout de jolies fraises, ceci pour poursuivre dans le côté fruitier.

Mais une pipe ! Horreur ! Les producteurs de film, s'ils ne sont pas trop bêtes, puvent être tentés par un Maigret, dont l'affiche sera censurée par les bureaucrates. Pub gratuite !

Cela dit, il ne faut pas trop en vouloir aux gens de la Ratp : bien sur, on peut se faire agresser dans le métro, voler, et tout et tout, mais ça c'est rentré dans les moeurs. Mais il faut bien dire que pour une affiche ils sont intraitables. Si une bande d'agités fume son clope, on les laisse tranquilles. Pas d'anti-jeunisme. Mais un vieux film... Après tout, il ne font que suivre la loi Evin.

Bien sur, monsieur Evin et notre actuelle ministre de la Santé, à qui on a du expliquer le ridicule de la chose, ont bien avoué que là ça allait trop loin. D'ailleurs monsieur Costa-Gavras est d'accord. Ca va trop loin. Mais la Ratp ne fait que respecter la loi. Leur loi. Ben oui. Que maintenant ils reconnaissent que cette loi va trop loin, c'est bien. On ne peut que regretter qu'ils n'y aient pas pensé avant.

Mais avant, on ne les a pas entendu. Quand Lucky Lucke a échangé sa cigarette roulée tout en galopant par un brin de blé, où étaient-ils ? Quand on a supprimé sa cigarette à Malraux, ils faisaient quoi ? Et sa pipe à Arthur Honegger,c'étaient les RTT ?

La différence, c'est que là cela prend un autre tour. Qui gueulait avant dans ces cas-là ? Les fumeurs. Espèce nocive pour eux et leurs concitoyens, que l'on catalogue comme drogués. Donc les avis des drogués, on traite ça par un haussement d'épaules - épaules avec un s, pour l'occasion on hausse les deux épaules.

Mais voilà, là ça prend un tout autre tour. Maintenant, c'est tout le net qui s'empare de la question. A noter que le net prend le pas sur les journaux et la TV, c'est clair. Ce dont le net parle, les merdias en causent après. Obligés.

On a même droit à une pétition sur le site de la ligue des droits de l'homme. Pétition qui n'est accessible qu'aux ressortissants français, tant pis pour la francophonie, comme on dit. On ne va pas non plus laisser des belges, suisses, etc. donner leur avis, ça pourrait encore grossir les statistiques.

Alors, était-ce l'exemple de trop ? Après tout, jusque là, il s'agissait de dessins animés pour enfants, ou de timbres. Mais là, il s'agit d'un évènement culturel, une exposition, sur un personnage hors-normes. Et puis si l'on sort dans la rue, on voit la pipe.

Le Figaro a fait un joli montage : si vous passez votre souris sur la photo de Hulot moulin à vent au bec, vous voyez la pipe. Le trucage devient alors évident, et d'évident il devient ridicule.

De même qu'on voudrait nous faire croire que quelqu'un qui voit un cigare en photo dans un journal, une boite de tabac à pipe sur le web, va obligatoirement tomber dans le piège et devenir un drogué à son tour, voilà qu'on veut nous faire croire que si l'on voit Jacques Tati, ou plutôt monsieur Hulot pipe au bec, les voyageurs de la Ratp, collés contre un mur, en train de faire don de leur portefeuille, de leur montre ou de leur portable, vont sortir et s'acheter du tabac pour le fumer.

Alors, le moment est venu, cette fois plus que jamais : le fumage fantôme.

Le ghost smoking, terme américain, ou fumage fantôme, consiste à se promener avec une pipe au bec, éteinte, ou vide.

Amis parisiens, je vous le demande : c'est le moment ! Promenez-vous dans les couloirs du métro pipe au bec. Si vous êtes avec des amis, faites-vous photographier, pipe au bec, à côté de cette affiche ! Manifestons notre soutien à monsieur Hulot !

05 avril 2009

Senatorov, pipier guillo-sableur, ou sablo-guillocheur ?


Le temps passe, je me disperse, et si j'ai parlé il y a quelques temps de cette pipe, ailleurs, je n'ai pas trouvé encore le moyen d'en parler ici.

C'est que moins de pipes arrivent chez moi, elles auraient tendance à en sortir, par les temps qui courent. Alors je les économise ...

C'est Martin Reck qui avait attiré notre attention sur ce Sergeï Senatorov. Erwin Van Hove s'en était procuré deux, qui avaient attisé nos envies : Sergeï a le sens des formes, il les interprète de belle façon. Ca n'est pas pour rien qu'il a été à l'école de Victor Yashtilov. S'il a eu à ses débuts quelques soucis en ce qui concerne l'exécution technique, il a depuis passé ce cap.

Voilà que pour les fêtes Sergeï propose des promotions : je n'y tiens plus, et commande cette pipe. Je voulais celle-ci. Enfin plutôt une pipe finie comme celle-ci. C'est si particulier, si personnel, que je n'en voulais pas une sans cette finition sablage-guillochage. Je ne connais aucun autre pipier qui travaille de cette façon, il me fallait donc ne pas me contenter des photos, ou des on-dit.

Voilà donc cette pipe, et c'est la grande affaire, dois-je parler d'une pipe sablée ou d'une pipe guillochée ?

Vous conviendrez avec moi qu'un sablage est censé mettre en valeur le grain de la bruyère, en enlevant les parties les plus tendres.

Or, un ring grain aussi parfait est bien sur rare. Et voilà que ce jeune pipier qu'est Sergeï en a proposé quelques unes, d'un coup !

Mais voilà qu'il a un truc : il utilise le sablage non pas pour enlever les parties tendres du bois, mais pour sculpter la bruyère.

On devrait donc parler d'une pipe guillochée, ou rustiquée. Mais voilà, je crois, le premier exemple d'un guillochage fait avec une machine à sabler.

Alors, voilà qui peut occuper quelques conversations : dois-je dire que cette pipe est sablée, ou guillochée ?

Peut-on parler de sablage, encore, dans ces cas-là ? Car encore une fois, une pipe sablée, qui ressemblerait à celle-ci, ferait jaser.

J'arrête là, car c'est une discussion sans queue ni tête, à conserver comme vanne régulière entre amis.

Ce qui compte, c'est que cette pipe a eu bon goût dès le premier fumage. Et que sa finition tan lui permet de se colorer joliment. Ca n'est déjà plus une pipe de Senatorov, c'est ma pipe de Senatorov. Et voilà trois mois qu'elle et moi, nous voyageons de concert.

Je compte bien un de ces jours prouver par l'image qu'il n'y a pas que les pipes en écume qui se colorent : le temps de me lancer dans quelques montages photo !

Sergeï continue à proposer cette finition. Il y a en ce moment une long tomato absolument superbe. Vous devriez jeter un œil. Si ma pipe est de forme classique, vous devriez la voir, et aussi une acorn lisse, qui me laissent rêveur...